Les propositions du Centre d'Action Laïque pour l'État fédéral
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Gestation pour autrui
Le dossier de la gestation pour autrui (GPA) est complexe et nécessite de prendre en compte plusieurs valeurs, parfois antagonistes, telles que le refus de la marchandisation du corps de la femme, la liberté de disposer de son corps, la liberté médicale et thérapeutique ou la liberté de choix et d’autodétermination.
Le Centre d’Action Laïque estime qu’il faut établir des balises en matière de gestation pour autrui sur la base de l’avis du comité consultatif de bioéthique datant du 17 avril 2023 (1) et en tenant compte de l’expertise des centres de fertilité. En effet, il convient de considérer la parentalité d’intention comme étant à la base du projet de GPA et de donner à celui-ci une base légale, qui empêche l’exploitation des femmes gestatrices comme celles des couples qui font face à une impossibilité de procréer en dehors du recours à la GPA. Il est essentiel que les logiques commerciales soient tenues à l’écart de ce dispositif qui doit reposer sur la solidarité, le respect entre les parties et le meilleur intérêt de l’enfant.
Le Centre d’Action Laïque recommande d’établir une base légale pour la gestation pour autrui en tenant compte de l’avis n°86 du comité consultatif de bioéthique et en en s’inspirant des travaux menés au Sénat durant la législature de 2015-2019 (2).
Statut du fœtus et accompagnement du deuil périnatal
La perte d’une grossesse est toujours un événement traumatisant. La question de la prise en compte du deuil des couples est une question de santé publique plutôt que d’état civil. En effet, chaque personne doit pouvoir rester libre d’extérioriser ou non son deuil. Une proposition de loi de santé publique allant dans le sens d’une meilleure prise en compte du deuil des parents et non une modification du Code civil doit dès lors être envisagée.
Le Centre d’Action Laïque recommande de:
- Offrir la possibilité d’inscrire le fœtus sans vie au service des sépultures de la commune où s’est déroulée l’inhumation ou la dispersion des cendres de celui-ci.
- Renforcer les protocoles liés au deuil des couples pour toutes les fausses couches tardives ou les avortements thérapeutiques dans les services hospitaliers (consignation des photos et empreintes des pieds et des mains, bracelet d’identification, etc. dans le dossier médical).
- Prévoir pour les parents confrontés à un deuil périnatal un remboursement forfaitaire de cette prise en charge.
- Déterminer des critères d’admission au remboursement de soins psychologiques.
- Prévoir une valorisation des prestations effectuées dans le cadre de cette prise en charge par les différents prestataires de soins en créant un code de nomenclature spécifique relatif notamment aux consultations postnatales de longue durée effectuées dans le cadre d’un deuil périnatal.
Fin de vie digne et euthanasie
Attaché à la liberté de choix et à l’autonomie des personnes, le mouvement laïque a toujours milité pour une législation sur l’euthanasie qui respecte avant tout l’autonomie des personnes et leur liberté de choix de mourir dans la dignité. Le vote de la loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie a représenté une étape fondamentale pour le respect des volontés des patients en fin de vie. Il n’empêche que les opposants, à défaut d’obtenir un retour en arrière, tentent de la détricoter voire d’en entraver son application. Même si la Cour européenne des droits de l’homme ainsi que notre Cour constitutionnelle ont récemment validé les principes de la loi relative à l’euthanasie, l’influence grandissante des intégrismes religieux entre en conjonction avec une montée des populismes. C’est pourquoi il est urgent de consolider les législations existantes, de les améliorer et de forcer une prise de conscience générale sur la nécessité de garantir notre législation actuelle et son application.
La Cour constitutionnelle a enjoint le législateur à prévoir des sanctions spécifiques afin qu’un médecin ne puisse plus être poursuivi pour meurtre par empoisonnement alors qu’il aurait commis une faute par rapport aux conditions de forme ou de procédure. Il s’agit d’être très attentif à l’implémentation de ces sanctions spécifiques et de limiter les éventuelles sanctions pénales aux seules conditions de fond, en réservant aux conditions de forme et de procédure des sanctions civiles voire disciplinaires.
La déclaration anticipée d’euthanasie a montré ses limites: elle ne peut servir de base à une euthanasie que lorsque le patient, atteint d’une affection grave et incurable, est inconscient et que sa situation est irréversible eu égard à l’état actuel de la science. Ceci a été assimilé à ce qui est qualifié de manière commune à l’état de coma irréversible. Le médecin ne pourra pas accéder à la demande d’un patient qui certes aurait fait sa déclaration mais qui, atteint par exemple d’une démence évolutive, a perdu conscience de lui-même. Il s’agit de faire sauter le carcan de la déclaration anticipée afin de permettre aux personnes de définir les conditions dans lesquelles elles souhaitent que l’acte soit pratiqué alors qu’elles ne sont plus estimées en capacité de formuler une demande actuelle en raison de lésions cérébrales graves (conséquences non seulement de maladies de démence mais aussi éventuellement d’un AVC, d’une tumeur au cerveau, de l’évolution d’une maladie de Parkinson).
En ce qui concerne l’application de la loi, il s’agirait de garantir l’accès à l’euthanasie pour tout patient dans toutes les institutions médicalisées.
La procédure et l’acte d’euthanasie sont des soins, l’acte étant le soin ultime qu’un médecin peut prodiguer à son patient. Ce statut de soin doit être reconnu notamment dans la loi relative aux droits du patient.
Il s’agirait enfin de sortir l’euthanasie de son contexte pénal. Le législateur en 2002 a opté pour une loi hors du Code pénal, loi hybride avec des aspects pénaux. Il s’agirait non plus de dépénaliser l’euthanasie mais bien de la légaliser.
Le Centre d’Action Laïque recommande de:
- Sensibiliser la population et les politiques pour que la Belgique renforce sa législation sur l’euthanasie et, avec les pays du Benelux, demeure un pionnier et une référence en cette matière.
- Reconnaître à la procédure et à l’acte d’euthanasie le statut de soin, en ce compris dans la loi relative aux droits du patient.
- Limiter les éventuelles sanctions pénales à l’acte interruptif de vie à la demande du patient commis par un médecin sans respecter les conditions principales.
- Étendre le champ d’application de la déclaration anticipée d’euthanasie en permettant au déclarant de préciser les conditions dans lesquelles il souhaite que l’euthanasie soit appliquée alors qu’il n’aurait plus la capacité de formuler une demande actuelle en raison de lésions cérébrales graves.
- Sortir l’euthanasie de son contexte pénal: la loi du 28 mai 2002 a dépénalisé l’euthanasie. Il conviendrait en vérité de la légaliser.
Don d'organes
La question du don d’organes est une question éthique d’importance, qui rencontre les préoccupations et les valeurs du Centre d’Action Laïque en termes de solidarité et de liberté. En Belgique, 1300 patients sont en attente d’un organe pour guérir ou survivre. Chaque semaine, 2 Belges décèdent faute d’un organe disponible. Il s’agit donc d’un acte de solidarité que de décider de son vivant d’être donneur de vie à son décès, en décidant d’accepter que ses organes soient prélevés pour servir à d’autres, de tous âges, qui en ont besoin pour vivre.
Étant donné que la majorité (+/- 90%) des transplantations d’organe se réalisent post mortem (au décès du donneur), le système en vigueur en Belgique de l’opting out (3) devrait être transcrit plus clairement et confirmé dans des textes et documents légaux afin de faciliter les démarches. Dans le cas contraire, la pénurie d’organes à laquelle tente de remédier le législateur s’aggraverait de manière drastique.
Euthanasie et don d’organes ne sont pas incompatibles sauf pour des patients atteints de cancers métastasés ou de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Le Comité consultatif de bioéthique a publié récemment son avis n°83 en matière de don d’organes après euthanasie et recommande une information du grand public.
Le Centre d’Action Laïque recommande de:
- Informer à grande échelle des bénéfices du don d’organe et de la procédure de l’opting out ainsi que de la double procédure euthanasie-don d’organes.
- Clarifier les procédures relatives au don d’organe et de l’opting out en particulier vis-à-vis des familles.
- Clarifier la législation en cas de prélèvement d’organe sur une personne incapable de manifester sa volonté en raison de son état mental.
- Octroyer une information sur les possibilités pour toute personne de donner son corps à la science.
- SPF Santé publique. "Avis n° 86 - Encadrement légal de la gestation pour autrui", 5 juin 2023, https://www.health.belgium.be/fr/avis-ndeg-86-encadrement-legal-de-la-gestation-pour-autrui
- https://www.senate.be/www/webdriver?MItabObj=pdf&MIcolObj=pdf&MInamObj=pdfid&MItypeObj=application/pdf&MIvalObj=100663578
- Il s’agit d’un consentement tacite par lequel on présume que chacun accepte de donner ses organes après la mort, sauf opposition expresse exprimée de son vivant.