Les propositions du Centre d'Action Laïque pour l'État fédéral
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Élections
Les élections jouent un rôle fondamental dans le fonctionnement, la préservation et le renforcement de la démocratie. Encourager et permettre à chacun de se mobiliser en se rendant aux urnes est primordial d’autant plus lorsqu’on doit faire face à une montée des partis d’extrême droite dans plusieurs pays.
Le Centre d'Action Laïque recommande de:
- Apporter une attention particulière à la participation des aînés, des personnes en perte d’autonomie au moment du scrutin ou handicapées: soutenir les initiatives visant à favoriser la mobilité des aînés le jour du vote, généraliser l’installation des bureaux de vote dans les maisons de repos et de soins, les centres d’hébergement pour personnes handicapées, etc.
- Assurer l’installation de bureaux de vote dans les établissements pénitentiaires et les lieux de détention en général, diffuser une information sur le système de vote par procuration dans ces lieux de détention et favoriser le vote par correspondance.
- Soutenir le maintien de l’obligation de vote et le rendre obligatoire pour les élections européennes pour les 16 -18 ans.
- Déterminer un accompagnement et une éducation citoyenne pour les primo-votants dès l’âge de 16 ans.
Participation citoyenne
Selon la philosophe Hannah Arendt, la participation civique est une condition essentielle de la promotion du bien commun, mais aussi de l’épanouissement de l’individu en tant qu’être humain. Cela sous-entend que la participation civique est indispensable à la démocratie et à la liberté humaine. Que ce soit à l’échelle locale, régionale, fédérale et même européenne, la participation citoyenne favorise l’implication et l’engagement de tout un chacun en faveur du bien commun. Elle est donc aussi un outil qui permet d’œuvrer en faveur du vivre ensemble.
Le Centre d'Action Laïque recommande de:
- Favoriser l’implication des citoyens, en stimulant leur intérêt pour la chose publique dès le plus jeune âge et en soutenant les initiatives et associations allant dans le sens de la participation citoyenne au niveau fédéral (droit de pétition, visite du Parlement par les élèves et étudiants).
- Assurer la mise en place de panels citoyens au sein du Parlement fédéral. Les panélistes pourront se faire aider par des experts de la thématique et l’objectif de ces débats est d’aboutir à une série de recommandations concrètes qui seront débattues en commission et en séance plénière du Parlement avant d’être transmises au Gouvernement, sous forme d’une résolution parlementaire.
- Créer des conseils consultatifs thématiques au sein du Parlement fédéral.
- Favoriser le droit de pétition des citoyens auprès des parlements, suivi d’un examen obligatoire par le parlement en question de la proposition ayant récolté le soutien requis.
- Ouvrir le Parlement aux citoyens, aux écoles, en vue d’assurer une éducation à la démocratie et aux institutions fédérales.
- Utiliser les nouvelles technologies comme outil de démocratie directe: informations rapides et à jour sur les sites Internet et applications, retransmission des débats, échanges en ligne de questions et réponses aux citoyens, etc.
- Favoriser le recours à la méthode FALC (facile à lire et à écrire) pour toute diffusion d’information.
- Réunir dans un Code de la participation et de la démocratie l’ensemble des mesures précitées.
Respects des principes démocratiques
Des exemples frappants de violations de la séparation des pouvoirs et de l'empiètement sur les droits et libertés ont émergé récemment: des milliers de condamnations liées au non-respect sur l'accueil, plusieurs condamnations pour des cas de traitements inhumains et dégradants en milieu carcéral ou encore une volonté affichée de limiter le droit de grève et de manifester, etc. Ces exemples soulèvent des préoccupations majeures quant à la préservation de la dignité humaine et d’un manque de respect pour la légalité et les valeurs démocratiques. Or, maintenir une société équilibrée et solidaire repose sur le respect des droits de humains et l'intégrité des institutions démocratiques. La Belgique doit faire face aux défis tout en préservant les valeurs démocratiques telle que la séparation des pouvoirs, le respect des droits fondamentaux, etc.
Le Centre d'Action Laïque recommande de:
- S’opposer à toute privatisation de la fonction régalienne de la sécurité des personnes et des biens.
- Garantir le respect de la séparation des pouvoirs, en ce compris le respect des décisions de justice et celles prises par les institutions parlementaires.
- Protéger les droits fondamentaux des citoyens en évitant les mesures disproportionnées qui pourraient compromettre les libertés individuelles, même en période de crise.
- Renforcer la lutte contre les discours de haine, la discrimination et l'extrémisme de droite, en mettant en place des politiques d'éducation, de sensibilisation et de prévention.
- Défendre fermement le respect du cordon sanitaire.
- Garantir l’exercice effectif des droits et libertés tels que le droit à la liberté d’expression dont le blasphème, la liberté de conscience, le droit de manifester, le droit de grève ou le droit à l’objection de conscience.
- Mener des politiques étrangères basées sur les principes de droit international et la défense et la promotion des droits fondamentaux. La Belgique pourrait à cette fin davantage déployer des missions d’observation par exemple dans les situations de procès iniques.
- Veiller au respect des droits et libertés dans tous les aspects des relations internationales.
- Lutter contre toutes formes de prosélytisme.
- Renforcer les mesures de prévention et de gestion des crises sanitaires, en s'appuyant sur les recommandations scientifiques et en garantissant la transparence des décisions prises.
- Renforcer la résistance aux idéologies radicales violentes et l’esprit critique des jeunes par des programmes de soutien et des outils appropriés.
- Assurer la formation continue des différents acteurs interfédéraux de la prévention et de la sécurité avec une attention particulière à la lutte contre les discriminations, les violences sexuelles et sexistes, etc.
- Travailler sur le rapport entre les jeunes et la police par le biais notamment d’espace de dialogue, d’information et de sensibilisation à destination des jeunes, de la mise en place du projet de guichet de dépôt de plaintes adaptée aux enfants et aux jeunes.
- Encourager la formation continue des forces de l'ordre sur les droits humains, la gestion de conflits et les techniques de désescalade, afin de promouvoir des interactions pacifiques et respectueuses avec les citoyens.
- Refuser la mise en place de "citoyens sanctionnateurs" pour lutter contre certaines incivilités.
- Réaliser une étude critique sur l’utilisation et l’efficacité des sanctions administratives communales applicables au mineur et, dans tous les cas, abroger la possibilité d’y recourir pour des mineurs de moins de 16 ans.
Politique pénale et pénitentiaire
À chaque époque étudiée, il n’y pas de lien direct entre la criminalité et la population carcérale mais toujours un lien avec un indicateur socio-économique. Une société mal en point au niveau socio-économique a tendance à se raidir. Il faut donc sortir de l’idée que l’augmentation de la population carcérale répond à une série de faits eux-mêmes en augmentation.
Depuis de nombreuses années, le mouvement laïque mène des actions individuelles et collectives au sein et en dehors des prisons. Ces actions s’inscrivent dans une réflexion plus globale menée par le Conseil Central Laïque et ses partenaires sur la politique pénitentiaire et le système carcéral belge qui prévalent aujourd’hui et qui heurtent de front un bon nombre de valeurs démocratiques et laïques.
Plus de 11.390 personnes sont détenues dans les prisons belges alors que la capacité moyenne est de 9.930 places. Bien que la capacité ait doublé depuis les années 1980, le taux de surpopulation avoisine les 116% en moyenne. Cette surpopulation est endémique et structurelle alors que la criminalité est globalement en baisse (1).
Les causes principales de cette surpopulation sont multiples et bien connues: recours trop important à la détention préventive et à la peine privative de liberté en général, allongement des peines et extension du filet pénal, insuffisance des libérations anticipées comme la libération conditionnelle par exemple.
Dans la majorité des établissements pénitentiaires, les conditions de détention sont déplorables et le peu de formations, de possibilités de travail et de projets préparant à la sortie rendent très difficile la réinsertion de ces personnes dans la société et donc la non-récidive (2). Par ailleurs, la Belgique se fait condamner, à intervalle régulier, par divers organes européens et internationaux de protection des droits de l’homme (CEDH, Comité anti torture de l’ONU, Comité européen de prévention de la torture et des traitements inhumains ou dégradants du Conseil de l’Europe (3)), sans opérer ensuite de véritables changements.
Malgré ces chiffres, l’État refuse de changer de paradigme notamment en réformant en profondeur le Code pénal afin que la peine de prison ne puisse être prononcée qu’en dernier ressort et que les alternatives à la détention soient véritablement investies. Par ailleurs, l’État continue de construire de nouvelles prisons (via les divers Master Plan des dernières années) qui augmentent de manière très importante le parc carcéral via des partenariats publics-privés.
Le Centre d'Action Laïque recommande de:
- Réformer en profondeur le Code pénal, la législation relative au casier judiciaire et l’application de la loi sur la détention préventive dans une optique réductionniste (notamment moins d’infractions et moins de peine de prison, comme pour certains faits liés à la drogue par exemple, donc moins d’enfermement).
- Développer les alternatives à la prison telles que les peines alternatives, la médiation ou la justice restauratrice qui permet la prise en compte des victimes.
- Arrêter l’expansion du parc carcéral et abandonner les futurs projets de construction de maxi-prisons.
- Limiter strictement le prononcé d’une mesure d’internement aux personnes atteintes d’un trouble mental et fermer toutes les annexes psychiatriques carcérales du pays en transférant tous les internés vers des centres de psychiatrie légale afin de soigner ces personnes atteintes de maladies mentales.
- Rénover les anciennes prisons en privilégiant la création de petites unités de vie, basées sur les modèles hollandais et scandinaves (plus spécifiquement suédois et finlandais) et les prisons ouvertes ou semi-ouvertes avec formation et travail en extérieur (comme le centre pénitentiaire de Ruiselede par exemple).
- Permettre au Parlement ou à un organe de contrôle externe de contrôler de manière effective les investissements de la Régie des bâtiments en matière pénitentiaire et en particulier au sujet des partenariats publics-privés.
- Soutenir le développement de projets pilotes relatif aux maisons de détention et aux maisons de transition (sur base du modèle "de Huizen") sans extension du filet pénal.
- Encourager la réinsertion des personnes détenues par le biais des droits consacrées par la loi de principe du 12 janvier 2005 (plan de détention individuel, vie en communauté, travail pénitentiaire), d’un meilleur suivi psychosocial des services internes et d’une augmentation de leur cadre, de formations qualifiantes et certificatives, de remises de peine en cas de réussite de formations de base, etc.
- Renforcer les services d’aide aux détenus et plus globalement les services externes qui entrent en prison et en particulier ceux qui s’occupent du maintien du lien entre les parents détenus et leurs enfants.
- Entamer une analyse genrée de la condition carcérale et réglementer la détention des femmes enceintes et des jeunes mères.
- Tenir compte des différentes recommandations déjà formulées par UNODC, du Conseil de l’Europe et d’associations belges dans la mise en place d’une politique pénitentiaire.
- Mettre en place un mécanisme national de prévention de la torture (MNP) indépendant d’un organe de médiation ou gestion du droit de plainte, la Belgique ayant signé le protocole facultatif de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en 2005 et s’étant alors engagée à le ratifier.
- Améliorer les moyens et les missions des commissions de surveillance des prisons, améliorer les formations des commissaires et les rémunérer pour leur travail.
- Garantir le respect des décisions rendues par les commissions des plaintes et d’appel.
- Valoriser les multiples études criminologiques (notamment de l’Institut national de criminalistique et de criminologie) relatives à la peine, à la détention et à l’enfermement et en réaliser davantage, notamment sur le profil socio-économique des détenus et la récidive.
- Procéder à une analyse d’impact des nouvelles technologies de surveillance des détenus sur les personnes (bracelet électronique / "prison cloud").
- Améliorer la coordination entre la Communauté française et le Fédéral de manière effective et organiser, régulièrement, une coordination structurée entre les divers acteurs du monde pénitentiaire (judiciaire, administratif, scientifique, association d’aide aux détenus).
- Augmenter le cadre des conseillers moraux en prison et adopter un arrêté royal relatif à l’exercice de leur fonction (sur le plan des droits sociaux et des conditions pécuniaires). Pour rappel, actuellement, sur les 74 ETP (équivalents temps plein), il n’y a que 9 ETP conseillers moraux pour les 35 établissements pénitentiaires.
- Respecter et améliorer le cadre de travail du personnel pénitentiaire
- Au niveau des détenus radicalisés, analyser et mieux comprendre les causes ainsi que les référentiels multiples et complexes qui produisent et reproduisent de la radicalisation à l’intérieur et à l’extérieur des prisons et renforcer l’assistance psychosociale et l’assistance morale et religieuse de ces détenus; renforcer la formation des agents sur ce thème.
- Au niveau du casier judiciaire, favoriser l’intégration au travail des personnes judiciarisées et multiplier les mesures de suspension du casier judiciaire afin d’aider les anciens détenus dans leur recherche d’emploi et favoriser les mesures d’effacement légal automatique de certaines condamnations ainsi que les mesures de réhabilitation légale par l’assouplissement des conditions et des délais.
- Supprimer la double peine pour les détenus étrangers avec ou sans titre de séjour.
- Transférer la compétence des soins de santé dans les établissements pénitentiaires vers le ministre de la Santé publique
- Respecter les dispositions de la loi du 23 mars 2019 relatives à la continuité du service pénitentiaire en cas de grève et garantir des effectifs d’agents en suffisance et ce, même en cas d’absentéisme.
- Garantir l’exercice des droits des personnes détenues tels que le droit à l’information, le droit de vote, le droit à la sexualité, le droit à la culture, etc.
- Améliorer l’encadrement en matière de droit du travail en prison et l’accès à la caisse d’entraide.
- Renforcer la publication de statistiques et de chiffres concernant la population carcérale, notamment via les rapports annuels de la Direction générale des établissements pénitentiaires (DGEPI) et la mise en place d’un observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP)
- Adopter des mesures permettant de respecter le genre de la personne incarcérée.
Migrations et réfugiés
La liberté de circulation, c’est-à-dire le fait de pouvoir se déplacer au sein d’un territoire ou par-delà les frontières, apparaît comme un attribut essentiel de la liberté individuelle, l’expression d’un droit d’autodétermination personnelle. La Déclaration universelle des droits de l’homme, et à sa suite, de nombreuses autres conventions internationales, reconnait à chacun le droit de s’établir librement dans son pays, mais aussi celui de le quitter et d’y revenir. Dès lors, ce principe de liberté de circulation n’implique pas nécessairement le droit d’entrer dans un autre pays.
Pour protéger les personnes qui craignent d’être persécutées dans leur pays, le droit international reconnait en 1951 le droit de chercher l’asile dans un autre pays, et par-là, le statut des réfugiés. La Convention de Genève constitue le principal cadre juridique en cette matière. Adopté dans le contexte de l’après-guerre et en réponse aux pratiques des États autoritaires et totalitaires, ce droit d’asile est aujourd’hui contredit et mis en danger par le repli identitaire.
Hormis le droit d’asile, la liberté de circulation dépend dans les faits des politiques migratoires mises en place par les États mais aussi par l’Union européenne. Les personnes qui quittent leur pays pour travailler, vivre en famille ou faire des études, par exemple, doivent ainsi se soumettre à des procédures et des réglementations particulières, lesquelles sont souvent lourdes, compliquées voire mettent en péril leurs droits fondamentaux. Dans ces conditions, l’accueil qui sera réservé aux personnes migrantes dépend ainsi bien souvent des raisons qui les ont poussées à quitter leur pays.
Sur base des valeurs laïques de solidarité, d’égalité de droits et de traitement, du respect du droit international et des droits humains, une autre politique migratoire et d’accueil est possible et nécessaire.
Il convient d’assurer la dignité et l’intégrité de la personne migrante, de promouvoir l’ouverture culturelle, économique et sociale et de lutter contre le repli identitaire.
L’échec de la politique actuelle, le risque de voir le projet européen raboté, la nécessité de mettre fin aux dangers que prennent les migrants pour leur vie et à l’économie parallèle développée par les passeurs et exploitants d’êtres humains, poussent le Centre d'Action Laïque à proposer de nouvelles réponses à ce que d’aucuns qualifient à tort de crise.
Le Centre d'Action Laïque recommande de:
- Assurer et promouvoir des voies de migration sûres et légales qui reconnaissent le droit à la liberté de circulation et garantissent les droits fondamentaux des personnes migrantes, indépendamment des motifs qui les ont poussées à quitter leur pays (crainte des persécutions, impact des dérèglements environnementaux, migration de travail ou d’études, exercice du droit de vivre en famille, etc.).
- Prévoir une procédure de séjour qui prend en charge les personnes "laissées pour compte" dans les politiques migratoires (les personnes inéloignables, les apatrides, les parents d’enfants mineurs autorisés au séjour, les victimes d’exploitation économique, de violences intrafamiliales ou d’autres infractions pénales…).
- Prévoir un mécanisme de délivrance automatique d’un titre de séjour (temporaire) dans les cas où l’État fédéral n’est pas en mesure de respecter ses obligations légales en matière d’accueil des candidats à l’asile ou à la protection internationale.
- Mettre en place des critères de régularisation dans une loi accessible et prévisible.
- Permettre aux personnes présentes sur le territoire belge de se manifester, sans risque d’être enfermées, afin de pouvoir pleinement faire valoir leurs droits (scolarisation des enfants, aide médicale, sortie de réseaux d’exploitation et de traite d’êtres humains, etc.), et de mettre fin à une économie parallèle abusive.
- Assurer la lutte contre toute forme de traite des êtres humains, en appliquant de manière intransigeante les législations en vigueur et en assortissant cette lutte de moyens appropriés et en garantissant une prise en charge appropriée des victimes.
- Pérenniser et assurer l’allocation de moyens suffisants à Myria (le centre fédéral migration).
- Mettre fin à toute forme de détention pour des raisons administratives liées à la régularité du titre de séjour (adultes comme enfants): mettre fin aux centres fermés et de rétention, véritables prisons pour sans-papiers et antichambres pour des retours déshumanisés et plaider auprès de l’Union européenne pour la transformation des hotposts en centres d’orientation ouverts excluant toute privation de liberté.
- Supprimer l’infraction d’entrée et de séjour illégal (article 75 de la loi du 15 décembre 1980 sur les étrangers) et proscrire toute forme de criminalisation de la solidarité qui s’exerce en faveur des personnes migrantes.
- Évaluer de manière critique le coût et l’efficacité de la politique d’éloignement forcé pratiquée en Belgique.
- Repenser les conditions de l’accueil pour garantir l’autonomie des bénéficiaires et le respect de leurs besoins spécifiques.
- En coordination avec les autres niveaux de pouvoir, assurer des conditions d’installation et de contribution pour les nouveaux arrivants leur permettant de prendre part au marché du travail (formations, cours de langues, équivalences de diplôme, validation de compétences issues d’expériences précédentes, soutien à la création économique et d’entreprises, etc.).
- Favoriser les demandes de séjour depuis les représentations belges à l’étranger (ambassades et postes consulaires) et prévoir la délivrance facilitée de visas humanitaires.
- Suspendre l’application du Règlement Dublin III en attendant la mise en place d’une réelle centralisation solidaire des demandes d’asile au niveau européen.
- S’assurer de la recevabilité de l’athéisme ou d’autres formes de non-croyance ainsi que de l’objection de conscience dans les procédures d’asile.
- Respecter le plan de relocalisation des réfugiés proposé par la Commission européenne.
- Mettre fin à l’externalisation de l’asile (accords avec la Turquie et d’autres pays, hotspots en Grèce gérés par des associations).
Santé
La santé est un élément essentiel de la vie et du bien-être humain. Étant intrinsèquement lié à l’exercice des droits fondamentaux, le droit à la santé est reconnu dans la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948. La sécurité sociale doit rester un pilier majeur en matière de lutte contre les inégalités. Or, l’accessibilité des soins reste, en Belgique, un enjeu majeur en termes d’égalité. En effet, la plupart des enquêtes démontrent les limites d’accès aux soins pour les populations en situation de vulnérabilité économique, sociale et culturelle. La qualité des soins qu’une personne reçoit dépend donc de sa situation financière, sa zone géographique, sa langue, son habilité à traiter les informations reçues, sa propension à subir des discriminations et autres.
Le Centre d'Action Laïque recommande de:
- Lutter contre la marchandisation des soins de santé et réhabiliter ce secteur en tant que service public.
- Assurer la neutralité des services de santé et de ses travailleurs en vue d’améliorer la qualité des soins.
- Garantir sur le long terme un financement suffisant des soins de santé, incluant une revalorisation des soins de première ligne et une politique de remboursement des soins axée sur la solidarité et la justice redistributive permettant de réduire les dépenses à charge des patients.
- Maintenir les soins de santé abordables grâce à une couverture maximale par l’assurance maladie obligatoire.
- Visibiliser et renforcer le statut d’aidant proche et de jeune aidant proche par le biais des mutuelles.
- Garantir une offre suffisante des soins de santé de première ligne.
- Renforcer l’accès aux services de santé mentale.
- Intégrer l’approche One Health (santé circulaire) dans les politiques de santé publique. Ce modèle intégré de santé doit faire l’objet d’une stratégie interfédérale qui tient compte de l’interconnexion entre santé humaine, animale et environnementale.
- Créer un institut unique chargé d’évaluer l’impact de chaque nouvelle mesure politique sur la santé humaine, animale, environnementale, en tenant compte de leur interconnexion.
- Augmenter les budgets alloués aux politiques de santé préventive notamment en matière d’alimentation, d’exposition environnementale, de santé mentale, etc.
- Mettre à jour la circulaire du ministre De Saeger (1973) et inscrire le droit à l’assistance morale et religieuse dans les droits du patient.
- Maintenir la Conférence interministérielle Santé publique.
Drogues et assuétudes
En Belgique, c’est une loi aujourd’hui centenaire (24 février 1921) qui régit encore les mesures en matière de drogues. Malgré de légères modifications, elle ne s’est jamais départie de son caractère prohibitionniste. Fondée sur une approche morale et arbitraire propre au contexte de l’époque, elle se révèle totalement inadaptée aux réalités sociétales actuelles.
En effet, malgré l’interdit et les moyens déployés par les pouvoirs publics, les produits psychotropes abondent et leur consommation n’a de cesse d’augmenter. La prohibition a davantage aggravé les problèmes sociaux, sanitaires et sécuritaires qu’elle ne les a réglés. L’insécurité juridique règne. L’engrenage policier peut mener à la prison et à la constitution d’un casier judiciaire. À l’heure actuelle, environ 50% des personnes détenues sont incarcérées pour des infractions en matière de stupéfiants ou faits connexes. C’est considérable!
Cet arsenal législatif essentiellement criminalisant et discriminant se révèle incompatible avec les valeurs laïques de responsabilité, d’autonomie et de liberté individuelle.
De plus, certains usagers de drogues constituent une population fragilisée au parcours de vie abîmé, parfois sans-abris souvent précaires. Leur accès aux soins de santé déjà difficile en temps normal s’est encore compliqué durant la récente pandémie. En outre, depuis les évènements violents survenus à Anvers, le regain observé du recours à la rhétorique guerrière et à la culpabilisation des usagers de drogues dans les discours politique et médiatique est particulièrement inquiétant et fait craindre une régression dans la prise en charge des assuétudes.
Pour le Centre d’Action Laïque, il est donc plus que temps de changer de paradigme et d’évoluer vers un modèle de législation progressiste, respectueuse des libertés individuelles et basée sur une approche de santé publique axée sur la prévention et la réduction des risques. À cette fin, il a rédigé une proposition de modification législative de la loi du 24 février 1921, visant une régulation par l’État de la production, du commerce et de la consommation de tous les produits psychotropes. La décriminalisation des comportements entourant leur usage constitue un préalable indispensable à la mise en place d'une réglementation de ce type.
Une telle réglementation du marché des stupéfiants par l’État aura pour avantages:
- L’assèchement du marché noir et la fin du monopole de fait des mafias.
- Des moyens policiers et judiciaires retrouvés pour d’autres tâches.
- Une amélioration de la santé des consommateurs grâce au contrôle des produits.
- Une diminution du nombre de détenus en prison.
- Des moyens financiers accrus pour l’État grâce aux taxes et accises (cannabis).
- Des moyens supplémentaires pour la prévention et de réduction des risques.
- Une approche préventive sans tabou, via un dialogue libéré de l’interdit.
Le Centre d'Action Laïque recommande de:
- Promouvoir une politique de réduction des risques effective, en vue de mieux informer les consommateurs potentiels ou usagers de drogues (y compris l’alcool) sur les risques pour leur santé.
- Soutenir les initiatives du secteur de la santé en matière de réduction des risques.
- Ouvrir, dans les grandes villes du pays, des salles de consommation à moindre risque intégrées dans une politique locale cohérente, transversale et durable de soins, d’accueil et d’accompagnement des usagers de drogues.
- Mettre en place des campagnes de prévention auprès du public qui n’a jamais consommé de drogues, avec une attention particulière portée aux mineurs d’âge.
De manière prioritaire, le Centre d'Action Laïque recommande la décriminalisation des comportements entourant l’usage des drogues ainsi que la régulation par l’État de la production, de la vente et de la consommation du cannabis.
Droits numériques
Protection des données personnelles
La protection des données personnelles est la garantie pour le citoyen de sa liberté et de son autonomie de choix, soit des conditions sine qua non de la démocratie. Nos données personnelles regorgent d’informations essentielles au sujet de notre identité, notre mode de vie, nos habitudes et plus dangereux encore, sur nos convictions personnelles et opinions politiques. Elles sont le nouvel "or noir" des entreprises privées et des organes politiques qui pourraient les utiliser pour interférer dans notre autonomie de décision.
En Belgique, le respect des principes fondamentaux de la protection des données à caractère personnel est garanti par l’Autorité de protection des données (APD). Le caractère démocratique, indépendant et impartial de cet organe est primordial. L’indépendance de l’APD à l’égard des institutions et entreprises, qu’elles soient privées ou publiques, est en effet le seul moyen d’assurer l’impartialité des avis qu’elle doit rendre, la non instrumentalisation des données personnelles à des fins contraires au bien commun et, enfin, la confiance du public dans les décisions prises.
Le Centre d'Action Laïque recommande de:
- Garantir l’indépendance de l’APD et ce, dans le respect du Règlement général de protection des données (RGPD) imposé par l’Union européenne et des obligations du droit européen. Cela implique que le contrôle exercé par le Parlement se limite aux aspects financiers et au contrôle juridictionnel.
- Garantir une plus grande transparence de la récolte et du stockage des données par les applications numériques développées par le pouvoir fédéral et faciliter l’accès du citoyen à ses données.
- Sensibiliser et éduquer l’ensemble des citoyens à la protection de leurs données personnelles.
Cybercriminalité
L’utilisation massive d’internet a donné naissance à de nouveaux types d’infractions et de fraudes regroupés sous le terme générique de "cybercriminalité". La cybercriminalité concerne aussi bien les escroqueries en ligne, que les infractions aux cartes bancaires, la pédopornographie, le traitement non autorisé des données personnelles, etc. La pratique se multipliant et s’intensifiant, elle constitue une véritable menace pour le droit à la vie privée des belges et à leur sécurité en ligne.
Le Centre d'Action Laïque recommande de:
- Consacrer les investissements nécessaires à la mise en œuvre de la Stratégie Cybersécurité Belgique 2.0 – 2021-2025.
- Consolider la sécurité des serveurs informatiques de l’ensemble du Service public fédéral.
- Organiser des campagnes de sensibilisation et de formation de tous les utilisateurs à la cybersécurité.
Intelligence artificielle
Ces derniers mois, les recherches sur l’intelligence artificielle (IA) ont connu une accélération sans précédent. En l’absence d’un cadre de sûreté sur l’usage des IA, le libre recours à celles-ci comporte de nombreux risques: diffusion de fausses informations (deepfakes, fake news, etc.), pertes d’emplois, nuisance à la santé physique et mentale des usagers, etc. De façon plus large, un recours non éclairé à l’IA peut conduire à un délitement de la cohésion sociale et à l’affaiblissement de la démocratie. C’est, du moins, ce qui est avancé par de nombreux experts qui mettent en garde sur le danger de converser avec des chatbots programmés pour conforter les individus dans leurs pensées et leurs craintes plutôt que de les confronter au débat d’idées.
L’utilisation de l’IA doit être encadrée par une politique d’évaluation et de prévention des risques. Par ailleurs, le recours aux algorithmes par les administrations publiques à des fins de contrôle est de plus en plus courant. Certains de ces algorithmes, comme le logiciel OASIS qui détecte les fraudes sociales, manquent de transparence puisqu’ils ont été développés par les administrations elles-mêmes et sans contrôle juridique. L’évaluation et le contrôle de ces algorithmes est toutefois fondamental pour garantir le respect des libertés et l’égalité des droits.
Le Centre d'Action Laïque recommande de:
- Créer une autorité de contrôle des algorithmes. Celle-ci concernerait uniquement les algorithmes utilisés dans les organismes publics et serait chargée de garantir leur transparence, leur respect des droits humains et leur respect des principes éthiques tels que la justice, l’autonomie, la bienfaisance et la non-malfaisance.
- Créer un comité consultatif indépendant relatif à l’éthique en matière d’intelligence artificielle et d’usages du numérique, aux côtés du Comité consultatif de bioéthique et amené à collaborer avec celui-ci, en particulier pour l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le domaine de la santé (en ce inclus, la santé mentale). Ce comité serait chargé, par saisine ou auto-saisine, de rendre des avis indépendants sur les questions éthiques liées à l’utilisation de l’intelligence artificielle, de la robotique et des technologies apparentées dans la société, en prenant en compte les dimensions juridiques, sociales et environnementales. Il serait aussi chargé de sensibiliser et d’informer le public sur les enjeux éthiques associés aux usages du numérique et de l’intelligence artificielle.
Caméra de surveillance et reconnaissance faciale
Le recours à des caméras de surveillance et aux technologies de reconnaissance faciale est de plus en plus fréquent et ce, pour des fins dîtes sécuritaires mais aussi commerciales. Or, ces pratiques portent non seulement atteinte au droit et au respect à la vie privée mais sont aussi délétères pour les libertés individuelles.
Le Centre d'Action Laïque recommande de:
- Interdire totalement l’usage de la reconnaissance faciale sur les caméras de sécurité, dans l’espace public et privé.
- S’opposer à ce que chaque nouvelle installation de caméras de vidéosurveillance se fasse sans avoir eu recours à une étude établissant leur nécessité objective, les conséquences de leur utilisation sur la vie privée, leur coût et les limites de leur utilité en termes de résultats, d’analyses, de conservation des enregistrements, etc.; veiller à la cohérence avec les priorités définies dans les plans zonaux de sécurité.
Fracture numérique
La digitalisation de notre société a pour effet de creuser davantage les inégalités socio-économiques. Ainsi, en 2022, près d’un belge sur deux est en situation de vulnérabilité économique. Celle-ci se mesure non seulement par l’accès aux outils numériques et à une connexion internet mais aussi par l’aptitude des personnes à utiliser ces outils. La fracture numérique soulève des enjeux multiples notamment en matière d’enseignement, de santé, d’insertion socio-professionnelle, etc. Mais plus largement, la vulnérabilité numérique constitue, pour les personnes qui en souffrent, un véritable frein à l’exercice de leurs droits fondamentaux.
Pour une digitalisation juste et inclusive, le Centre d'Action Laïque recommande de:
- Reconnaître l’accès à internet comme un bien de première nécessité.
- Obliger tous les services publics à garantir l’accessibilité de guichets humains ainsi que des services d’accompagnement des personnes en situation de vulnérabilité numérique.
- Améliorer l’accessibilité des outils numériques et à une connexion internet fiable et efficace.
- Généraliser et améliorer l’accès aux espaces publics numériques.
- Dans le développement de chaque nouvel outil digital public, tenir compte de la réalité des personnes en situation de vulnérabilité économique, en les consultant et en les impliquant durant tout le long du processus de développement.
- Voir Statistiques policières de criminalité de la police fédérale – Belgique – 2000 – trimestre 3 2022
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Voir l’étude d’Eric Maes et Luc Robert sur la réincarcération des détenus après leur sortie de prison. (INCC, 2012)
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Voir notamment CEDH 2014, arrêt VASILESCU, condamnation de la Belgique pour non-respect des conditions de détentions (l’espace de détention minimal, hygiène, etc.); CEDH 2017, arrêt SYLLA et NOLLOMONT et décisions de tribunaux de première instance; CEDH 2019, arrêt CLAESENS; CEDH 2019 arrêt ROOMAN, condamnation de la Belgique pour une insuffisance de soins octroyés à une personnes internées. Voir dernier rapport du CPT suite à des visites effectuées en novembre 2021 (CPT/Inf (2022) 22).