Les propositions du Centre d'Action Laïque pour l'Union européenne
Aller à: Dans les politiques internes de l'Union · Solidarité internationale
Dans les politiques internes de l'Union
Il ne peut y avoir de dignité humaine si une large partie de la population continue à connaître des difficultés d’existence sérieuses.
Le défi de la concrétisation d’une Europe plus sociale est donc plus d’actualité que jamais. C’est également une urgence démocratique dans un contexte où l’une des raisons du succès des populistes est l’écho de leur discours auprès de celles et ceux qui se perçoivent comme les perdants et les victimes de la mondialisation.
Bien entendu, dépeindre l’Union européenne comme une institution qui détruit les protections sociales serait caricatural. Mais une action résolue de l’Union européenne est indispensable afin d’amener les États à développer leurs économies pour qu’elles bénéficient aux populations et non l’inverse.
D’une part, l’Union européenne est le meilleur instrument dont nous disposons pour contribuer à réguler la mondialisation et relever des défis d’ampleur internationale comme les conséquences au plan social de la révolution numérique. D’autre part, l’Union est en mesure de mettre en œuvre un véritable modèle social européen qui équilibrerait mieux qu’aujourd’hui les impératifs de développement économique avec ceux de lutte contre les inégalités, la recherche du bien-être de la population, le relèvement des protections sociales, l’accessibilité des soins de santé et le bien-être au travail.
Dans cette optique, il est important de saluer l’adoption en 2017 par les institutions européennes du Socle européen des droits sociaux et le plan d’action de la Commission en 2021. Le socle, qui prend la forme de recommandations de la Commission européenne, établit une série de principes et des droits clés dans trois domaines (égalité des chances et accès au marché du travail, conditions de travail équitables, protection et insertion sociales). Il a pour objectif de permettre une plus forte convergence dans la zone euro (mais les États qui ne font pas partie de cette zone peuvent toutefois y adhérer). Sa mise en œuvre dépend surtout des autorités locales, régionales et nationales, des partenaires sociaux et de la société civile. Mais l’Union européenne peut soutenir et mettre en œuvre elle-même une série d’actions au moyen des instruments qui ressortent de ses compétences: modification du droit européen, dialogue social européen, recommandations nationales dans le cadre du Semestre européen et soutien financier grâce aux fonds européens.
Concrètement, le Centre d’Action Laïque invite les institutions européennes à mettre en œuvre les orientations politiques suivantes:
- Continuer sur la voie de la rupture d’avec les politiques d’austérité, initiée avec le plan de relance "NextGenerationEU", en permettant notamment d’exonérer une série d’investissements publics des règles comptables européennes et ainsi libérer des flexibilités budgétaires pour des dépenses en matière sociale.
- Tenir compte des impératifs liés à la lutte contre les inégalités dans les priorités du futur Cadre budgétaire pluriannuel européen.
- Continuer la mise en œuvre des vingt principes contenus dans le Socle européen des droits sociaux. Idéalement, des indicateurs de suivi devraient être développés et intégrés dans les mécanismes de gouvernance économique tels que le Semestre européen.
- Établir un salaire minimum dans chaque pays européen équivalant à 60% du salaire médian national et favoriser l’instauration progressive d’un salaire minimum européen.
- Lutter contre les discriminations et renforcer les convergences vers le haut en matière d’accès au travail et de conditions de travail, notamment en ce qui concerne les salaires et les congés parentaux.
- Intensifier le soutien à l’Initiative européenne pour l’emploi des jeunes.
- Accélérer et soutenir les efforts de réduction de la pauvreté dans l’Union européenne.
- Renforcer le dialogue social européen qui est un outil indispensable de négociation collective et d’équilibrage des rapports de force dans les processus de décision en matière socio-économique.
Par ailleurs, pour les laïques, des services publics de qualité et accessibles à tous sont un élément essentiel de lutte contre les inégalités et de renforcement de la cohésion sociale. Les combats historiques du mouvement laïque pour une école publique démocratique en sont l’illustration.
Sur le plan européen, des logiques de libéralisation ont conduit à l’introduction de logiques marchandes dans la fourniture de certains services. Les conséquences de ces libéralisations se sont parfois avérées désastreuses. Il est essentiel de soustraire les services publics à la logique marchande et à la concurrence.
Le Centre d’Action Laïque invite dès lors les futurs responsables européens à:
- Adopter une législation sur les services d’intérêt économique général pour garantir leur juste financement et leur capacité à exercer leurs missions dans le respect des principes d’universalité et d’égalité d’accès.
- Adopter une législation pour garantir l’accès aux biens de première nécessité tels que l’eau ou l’énergie.
Solidarité internationale
Les objectifs de développement durable (1) adoptés par l’Assemblée générale des Nations unies en 2015 illustrent une fois encore à quel point il ne peut y avoir de développement durable si les questions économiques, sociales et environnementales ne sont pas traitées ensemble. Les objectifs ultimes en sont l’éradication de la pauvreté et la préservation de la planète. Ces objectifs forment la feuille de route pour le développement durable à l’horizon 2030. Tous les États membres de l’Union y ont souscrit. L’Union européenne détient une série de compétences qui lui permettent de contribuer à la réalisation de ces objectifs.
Pour le Centre d’Action Laïque, l’Union européenne doit prendre pleinement sa part de responsabilité dans la mise en œuvre de cet agenda international. L’Union européenne doit résolument se montrer solidaire dans cette quête collective et aligner ses politiques de façon cohérente avec les impératifs du développement durable, ce qui semble loin d’être le cas aujourd’hui lorsqu’on mesure les priorités budgétaires européennes ou les politiques commerciales internationales.
Le Centre d’Action Laïque demande dès lors aux institutions européennes de:
- Accroître la mobilisation des ressources au service de la concrétisation des objectifs de développement durable. Si la volonté de voir le secteur privé contribuer au financement devait se confirmer, il est essentiel de s’assurer que les investissements privés soient réellement mis au service du développement et que l’argent public destiné à soutenir des investissements ne serve pas des intérêts qui iraient à l’encontre d’un développement durable.
- Rechercher de nouvelles sources de financement du développement par une intensification de la lutte contre l’évasion et la fraude fiscale ou en application du principe du pollueur-payeur.
- Garantir que les traités commerciaux s’inscrivent dans le respect des droits fondamentaux et des objectifs du développement durable, n’affaiblissent pas la capacité législative des États ou leurs législations protectrices des travailleurs, des consommateurs ou de l’environnement, et préservent les juridictions publiques comme mécanismes de règlement des différends entre États et investisseurs. Ces mécanismes doivent être effectifs, notamment en ouvrant des voies de recours aux citoyens ou organisation de travailleurs et de défense de l’environnement des pays concernés.
- Assurer la cohérence entre la réalisation des objectifs de développement durable et la politique menée par les autres institutions internationales telles que la Banque mondiale ou le Fonds monétaire international.
- Adopter et mettre en œuvre la directive sur le "Devoir de vigilance" et la responsabilité des entreprises, afin que les entreprises veillent eu respect des droits humains et de l’environnement dans leur chaîne de valeur située dans des pays tiers.
- Contribuer à l’élaboration par l’ONU d’un instrument international juridiquement contraignant sur les sociétés transnationales et autres entreprises et les droits humains.
- D’une façon générale, assurer la plus grande démocratie en matière de gouvernance mondiale et veiller à associer étroitement les organisations représentatives de la société civile à la prise de décision.
- "Transformer notre monde: le Programme de développement durable à l’horizon 2030", résolution adoptée le 25 septembre 2015 par l’Assemblée générale des Nations unies.