Les propositions du Centre d'Action Laïque
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Pour l'État fédéral
La liberté de circulation, c’est-à-dire le fait de pouvoir se déplacer au sein d’un territoire ou par-delà les frontières, apparaît comme un attribut essentiel de la liberté individuelle, l’expression d’un droit d’autodétermination personnelle. La Déclaration universelle des droits de l’homme, et à sa suite, de nombreuses autres conventions internationales, reconnait à chacun le droit de s’établir librement dans son pays, mais aussi celui de le quitter et d’y revenir. Dès lors, ce principe de liberté de circulation n’implique pas nécessairement le droit d’entrer dans un autre pays.
Pour protéger les personnes qui craignent d’être persécutées dans leur pays, le droit international reconnait en 1951 le droit de chercher l’asile dans un autre pays, et par-là, le statut des réfugiés. La Convention de Genève constitue le principal cadre juridique en cette matière. Adopté dans le contexte de l’après-guerre et en réponse aux pratiques des États autoritaires et totalitaires, ce droit d’asile est aujourd’hui contredit et mis en danger par le repli identitaire.
Hormis le droit d’asile, la liberté de circulation dépend dans les faits des politiques migratoires mises en place par les États mais aussi par l’Union européenne. Les personnes qui quittent leur pays pour travailler, vivre en famille ou faire des études, par exemple, doivent ainsi se soumettre à des procédures et des réglementations particulières, lesquelles sont souvent lourdes, compliquées voire mettent en péril leurs droits fondamentaux. Dans ces conditions, l’accueil qui sera réservé aux personnes migrantes dépend ainsi bien souvent des raisons qui les ont poussées à quitter leur pays.
Sur base des valeurs laïques de solidarité, d’égalité de droits et de traitement, du respect du droit international et des droits humains, une autre politique migratoire et d’accueil est possible et nécessaire.
Il convient d’assurer la dignité et l’intégrité de la personne migrante, de promouvoir l’ouverture culturelle, économique et sociale et de lutter contre le repli identitaire.
L’échec de la politique actuelle, le risque de voir le projet européen raboté, la nécessité de mettre fin aux dangers que prennent les migrants pour leur vie et à l’économie parallèle développée par les passeurs et exploitants d’êtres humains, poussent le Centre d'Action Laïque à proposer de nouvelles réponses à ce que d’aucuns qualifient à tort de crise.
Le Centre d'Action Laïque recommande de:
- Assurer et promouvoir des voies de migration sûres et légales qui reconnaissent le droit à la liberté de circulation et garantissent les droits fondamentaux des personnes migrantes, indépendamment des motifs qui les ont poussées à quitter leur pays (crainte des persécutions, impact des dérèglements environnementaux, migration de travail ou d’études, exercice du droit de vivre en famille, etc.).
- Prévoir une procédure de séjour qui prend en charge les personnes "laissées pour compte" dans les politiques migratoires (les personnes inéloignables, les apatrides, les parents d’enfants mineurs autorisés au séjour, les victimes d’exploitation économique, de violences intrafamiliales ou d’autres infractions pénales…).
- Prévoir un mécanisme de délivrance automatique d’un titre de séjour (temporaire) dans les cas où l’État fédéral n’est pas en mesure de respecter ses obligations légales en matière d’accueil des candidats à l’asile ou à la protection internationale.
- Mettre en place des critères de régularisation dans une loi accessible et prévisible.
- Permettre aux personnes présentes sur le territoire belge de se manifester, sans risque d’être enfermées, afin de pouvoir pleinement faire valoir leurs droits (scolarisation des enfants, aide médicale, sortie de réseaux d’exploitation et de traite d’êtres humains, etc.), et de mettre fin à une économie parallèle abusive.
- Assurer la lutte contre toute forme de traite des êtres humains, en appliquant de manière intransigeante les législations en vigueur et en assortissant cette lutte de moyens appropriés et en garantissant une prise en charge appropriée des victimes.
- Pérenniser et assurer l’allocation de moyens suffisants à Myria (le centre fédéral migration).
- Mettre fin à toute forme de détention pour des raisons administratives liées à la régularité du titre de séjour (adultes comme enfants): mettre fin aux centres fermés et de rétention, véritables prisons pour sans-papiers et antichambres pour des retours déshumanisés et plaider auprès de l’Union européenne pour la transformation des hotposts en centres d’orientation ouverts excluant toute privation de liberté.
- Supprimer l’infraction d’entrée et de séjour illégal (article 75 de la loi du 15 décembre 1980 sur les étrangers) et proscrire toute forme de criminalisation de la solidarité qui s’exerce en faveur des personnes migrantes.
- Évaluer de manière critique le coût et l’efficacité de la politique d’éloignement forcé pratiquée en Belgique.
- Repenser les conditions de l’accueil pour garantir l’autonomie des bénéficiaires et le respect de leurs besoins spécifiques.
- En coordination avec les autres niveaux de pouvoir, assurer des conditions d’installation et de contribution pour les nouveaux arrivants leur permettant de prendre part au marché du travail (formations, cours de langues, équivalences de diplôme, validation de compétences issues d’expériences précédentes, soutien à la création économique et d’entreprises, etc.).
- Favoriser les demandes de séjour depuis les représentations belges à l’étranger (ambassades et postes consulaires) et prévoir la délivrance facilitée de visas humanitaires.
- Suspendre l’application du Règlement Dublin III en attendant la mise en place d’une réelle centralisation solidaire des demandes d’asile au niveau européen.
- S’assurer de la recevabilité de l’athéisme ou d’autres formes de non-croyance ainsi que de l’objection de conscience dans les procédures d’asile.
- Respecter le plan de relocalisation des réfugiés proposé par la Commission européenne.
- Mettre fin à l’externalisation de l’asile (accords avec la Turquie et d’autres pays, hotspots en Grèce gérés par des associations).
Pour la Fédération Wallonie-Bruxelles
Le droit à quitter un territoire, à bouger, à migrer, à émigrer, apparaît comme un attribut essentiel de la liberté individuelle, l’expression d’un droit d’autodétermination personnelle. Son importance est reconnue par les conventions internationales qui, à la suite de la Déclaration universelle des droits de l’homme, proclament toutes le droit de quitter tout pays, y compris le sien. Or ce droit, proclamé en 1948 contre les pratiques des pays autoritaires et totalitaires, est aujourd’hui directement contredit et mis en danger par le repli identitaire.
Sur base des valeurs laïques de solidarité, d’égalité de droits et de traitement, du respect du droit international et des droits humains, une autre politique migratoire et d’accueil est possible et nécessaire.
Il convient d’assurer la dignité et l’intégrité de la personne migrante, de promouvoir l’ouverture culturelle, économique et sociale et de lutter contre le repli identitaire.
L’échec de la politique actuelle, le risque de voir le projet européen raboté, la nécessité de mettre fin aux dangers que prennent les migrants pour leur vie et à l’économie parallèle développée par les passeurs et exploitants d’êtres humains, poussent le Centre d'Action Laïque à proposer de nouvelles réponses à ce que d’aucuns qualifient à tort de crise.
Le Centre d'Action Laïque recommande de:
- Lever les obstacles en matière de reconnaissance des diplômes: gratuité, flexibilité et transparence.
- Assurer une prise en charge adaptée des mineurs étrangers non accompagnés, en tenant compte de leur vulnérabilité et de leurs besoins spécifiques.
Pour les Régions
Le Centre d'Action Laïque recommande de:
- Simplifier la délivrance de permis de travail, notamment en permettant l’accès au permis de travail sur base d’une liste régulièrement actualisée des fonctions en pénurie.
- Favoriser la régularisation par le travail pour les personnes employées dans des fonctions et des services caractérisés par un niveau important de travail irrégulier (construction, HORECA, etc.).
- Assouplir la délivrance et le renouvellement du permis de travail, notamment en cas de poursuite de la même activité professionnelle pour un autre employeur ou de changement de fonction pour le compte du même employeur.
Pour l'Union européenne
Depuis 2015, la question des réfugiés occupe une place centrale dans l’agenda politique européen. En 2015, puis récemment en 2022, l’Union européenne a fait face à de grands mouvements de réfugiés depuis la Deuxième Guerre mondiale.
Le Centre d’Action Laïque se félicite de l’accueil des réfugiés ukrainiens, mais déplore que cette solution généreuse n’ait pas été mise en œuvre dans le cas de réfugiés venant d’autres continents.
Les réponses apportées par l’Union européenne et ses États membres ont cruellement mis en évidence l’absence d’une véritable politique migratoire européenne. En fermant ses frontières, l’Union a tout mis en œuvre pour garder les réfugiés à sa périphérie. Pire, l’Union, sous des prétextes prétendument humanitaires, a externalisé sa politique d’asile en concluant un accord avec la Turquie et la Lybie ainsi que des pactes migratoires et des accords de réadmission avec plusieurs pays africains. L’Europe ne peut pas fermer les yeux sur les violations graves des droits fondamentaux des migrants commises par les autorités de pays auxquels elle délègue la gestion des flux migratoires.
Dans le même temps, les États sont restés profondément divisés sur l’accueil des réfugiés et n’ont en tous cas pas donné une suite efficace à la proposition de la Commission européenne d’instaurer un mécanisme de répartition équitable des réfugiés. Au contraire, par leurs discours fondés sur le rejet de l’Autre, les national-populistes ont puissamment contribué à libérer la parole raciste en Europe. Des gouvernements ont construit des murs à leurs frontières avec des États tiers, conduisant à des situations tragiques.
Par ailleurs, réduire les questions migratoires à la seule question des réfugiés est une ineptie dangereuse. Les réfugiés sont une catégorie particulière de migrants qui fuient des situations dramatiques et sont à la recherche d’une protection à laquelle ils ont tout simplement droit en vertu des conventions internationales.
Les migrations ne se résument pas à l’asile. Dans un monde de plus en plus globalisé, la mobilité des personnes prend bien d’autres formes. Les migrations sont un facteur structurel et économique à l’échelle mondiale. N’en déplaise aux populistes, c’est un phénomène qui n’est pas près de s’arrêter. De plus, l’aggravation des catastrophes naturelles dues au changement climatique (sécheresses dans le Sahel, etc.) pousse de plus en plus de personnes à se déplacer.
Ne pas apporter de réponses à la question migratoire dans son ensemble menace à terme l’existence même de l’Union car la non-gestion actuelle fait reculer des acquis européens importants comme celui de la libre-circulation des personnes. Par ailleurs, transformer l’Europe en forteresse détourne l’Union de l’exigence de construire avec les pays du pourtour méditerranéen une politique de voisinage reposant sur des objectifs de paix, de prospérité partagée et de respect des droits humains.
Bien entendu, l’Union européenne ne résoudra pas seule la question des réfugiés. Mais l’Union doit prendre sa part de responsabilité.
Sachant en outre que les questions migratoires sont avec le changement climatique le défi mondial le plus pressant, l’Union doit aussi développer une politique générale des migrations et s’activer pour qu’à l’échelle mondiale une gouvernance des migrations se mette en place.
Laïques, nous considérons que l’absence d’une politique migratoire intégrée et respectueuse des droits humains est inacceptable. Cette absence constitue une atteinte à la dignité humaine.
Le Centre d’Action Laïque demande dès lors que les institutions européennes développent une véritable politique humaniste des migrations. À cet effet, en matière d’asile, il s’impose de:
- Développer une politique ambitieuse et ouverte, tenant compte du fait que le nombre de réfugiés va sans doute continuer à augmenter dans les années à venir. Il faut donc pouvoir anticiper leur accueil et leur intégration.
- Ouvrir des voies d’accès sûres et légales aux demandeurs d’asile, notamment en développant des moyens alternatifs permettant aux personnes de faire leur demande d’asile dans des pays tiers, afin d’éviter les violences subies lors de leur périple.
- Veiller au respect de l’interdiction des refoulements aux frontières (push-back). Chaque personne se présentant à la frontière d’un État de l’Union doit pouvoir déposer une demande d’asile.
- Coordonner les services de sauvetage en mer pour éviter les tragédies des naufrages de barques de migrants.
- Mettre en place sur le territoire européen des centres d’orientation et d’accueil pour les demandeurs d’asile.
- Réviser le règlement de Dublin en supprimant notamment la règle selon laquelle les réfugiés doivent introduire leur demande d’asile dans le pays par lequel ils ont accédé au territoire européen.
- Assurer la recevabilité de l’athéisme et autre forme de non croyance, tout comme de l’objection de conscience parmi les critères donnant droit à l’asile.
- Confirmer l’interdiction pure et simple de l’enfermement des enfants.
- Assurer une répartition équitable et solidaire entre États membres de l’Union, notamment par le biais des programmes de réinstallation.
- Favoriser l’intégration des personnes qui se sont vu reconnaître le droit d’asile.
- Cesser de déléguer la gestion des flux migratoires à des pays tiers qui ne respectent pas les droits humains fondamentaux. Dans le cas où de tels traités ont été conclus avec des États tiers, l’Union doit s’assurer, activement et effectivement, que ces États respectent les droits fondamentaux des personnes migrantes.
En matière de politique migratoire au sens large, nous demandons aux institutions européennes de:
- Développer de nouveaux canaux d’immigration vers l’Union européenne aux personnes qui ne sont pas en situation de bénéficier d’une protection particulière. C’est notamment parce que l’immigration économique est quasiment impossible en dehors de catégories particulières de travailleurs que la voie de l’asile est utilisée par des candidats à la migration.
- Contribuer de manière plus active à l’élaboration d’une gouvernance mondiale des migrations (dans leurs multiples dimensions), selon les principes figurant dans le Pacte mondial pour une migration sûre, ordonnée et régulée, adopté par les Nations unies en 2018.