Pour l'Union européenne
Défendre la liberté de religion et de croyance et les droits des non-croyants
La liberté de religion et de croyance, parfois nommée la liberté de pensée, de conscience et de religion, est un droit fondamental protégé aux niveaux international et européen (1). Il protège la liberté de chacun et de chacune d’embrasser les croyances, religieuses ou non, de son choix. Comme déclaré par le Comité des droits de l’homme de l’ONU (2), il protège également la liberté de ne pas croire, celle de changer ou d’abandonner une religion ou croyance et celle de ne pas être contraint à se convertir contre son gré.
Au cours de la décennie passée, la liberté de religion et de conviction s’est hissée à l’agenda européen. L’Union européenne y a consacré une attention grandissante et s’est dotée d’outils pour la promouvoir à l’extérieur de ses frontières. C’est ainsi qu’en 2013, les institutions adoptaient les Lignes directrices en matière de liberté de religion ou de conviction dans la politique extérieure de l’Union. La Commission européenne a également créé un poste d’Envoyé spécial pour la promotion de la liberté de religion et de conviction à l’extérieur de l’Union européenne en 2016.
Malheureusement, ces instruments aujourd’hui confortent les religions dans la mesure où ils font surtout écho à une tendance croissante relayée par certains groupes religieux et politiques consistant à réduire la liberté de religion et de conviction à la "liberté religieuse" et de l’utiliser à des fins réactionnaires et discriminantes. De nombreuses violations des droits humains sont commises au nom de la "liberté religieuse" et affectent en particulier les femmes, les non-croyants ainsi que certaines personnes en raison de leur orientation sexuelle et/ou de leur identité de genre. Or, si la liberté de religion est bien absolue, ses manifestations peuvent être limitées, notamment pour protéger les droits et libertés fondamentaux d’autrui, et notamment les droits sexuels et reproductifs des femmes et la non-discrimination à l’encontre des personnes LGBTQIA+, des minorités religieuses et des non-croyants.
Le Centre d’Action Laïque recommande de:
- Promouvoir et défendre la liberté de pensée, de conscience et de religion, comme droit fondamental protégé par l’Union européenne.
- Dans cet effort, rappeler en toute circonstance, que cette liberté de conviction inclut la liberté de ne pas croire, celle d’abandonner sa religion et celle d’en changer.
- Développer des normes pour la protection des individus contre le prosélytisme. Contrairement au débat, qui doit être libre et sur un pied d’égalité, le prosélytisme se traduit par des pressions sur une personne pour adopter une certaine religion ou pour suivre les préceptes de sa religion réelle ou supposée. Toute personne est libre de définir son niveau de croyance ou de pratique religieuse et doit être protégée contre les pressions fondamentalistes de se conformer à telle ou telle pratique, dogme ou rite religieux.
- Souligner également que la liberté de religion et de croyance ne peut jamais être utilisée pour restreindre, limiter et menacer les droits et libertés fondamentaux d’autrui, comme le mentionnent les Lignes directrices de l’Union européenne sur la liberté de religion ou de conviction, y compris les droits sexuels et reproductifs, l’égalité des sexes et les droits des personnes LGBTQIA+.
- Réagir systématiquement à l’instrumentalisation de la liberté de religion et de croyance dans les États membres pour limiter ou supprimer les droits d’autrui, y compris les droits sexuels et reproductifs, l’égalité des sexes et les droits des personnes LGBTQIA+.
- Demander une mise en œuvre effective de ces lignes directrices. Cela implique de poursuivre et d’intensifier la formation des délégations diplomatiques européennes et des professionnels de l’Union européenne sur les questions afférentes à ce droit et de veiller à inclure les organisations laïques au sein de cette formation.
- Demander également une évaluation régulière de ces lignes directrices et mettre les résultats à la disposition du public.
- S’assurer que les États membres examinent avec justice et transparence les demandes d’asile des athées, agnostiques et humanistes et octroient protection et asile aux personnes persécutées ou qui risquent de l’être pour cause d’"apostasie" ou "blasphème". Veiller à ce que les autorités compétentes des États membres soient sensibilisées à la situation de ces personnes.
- S’assurer que le mandat de l’Envoyé spécial pour la promotion de la liberté de religion et de conviction inclue explicitement la dimension des non-croyants (athées, agnostiques, "apostats"…). Rendre plus transparent le processus de nomination de l’Envoyé Spécial, en y associant le Parlement européen.
Défendre la liberté d’expression
La liberté d’expression est indissociable de la liberté de pensée et de conscience. Pourtant, dans le monde mais aussi en Europe, les tentatives d’interdiction au nom de la morale religieuse sont encore nombreuses. Or, la liberté d’expression protège les individus et non pas les religions ou les convictions en tant que telles. La liberté d’expression couvre le droit d’exprimer une opinion sur une religion ou une conviction, y compris par la satire.
Il faut clairement distinguer l’incitation à la haine, à la discrimination ou à la violence contre des personnes à cause de leur religion réelle ou supposée, qui est interdite, de la critique d’une idée ou de dogmes religieux, qui est permise.
Dans cette perspective, l’Union européenne a demandé à ses délégations de rappeler ce principe fondamental dans leurs relations diplomatiques avec les États tiers mais aussi de les encourager à dépénaliser l’offense de blasphème et "d’insulte au sentiment religieux".
Si l’Union européenne appelle les États tiers à garantir la liberté d'expression par rapport au fait religieux, elle n’agit pas contre les lois anti-blasphèmes liberticides subsistant encore dans certains États membres (comme en Allemagne, Autriche, Grèce, Pologne ou en Espagne) et États européens associés (Suisse). Le maintien de telles législations au sein de l’Union européenne n’aide évidemment pas à crédibiliser la voix européenne à l’étranger.
Le Centre d’Action Laïque invite les décideurs européens à se positionner résolument en faveur de la liberté d’expression et à demander la fin de la criminalisation du blasphème et de "l’insulte au sentiment religieux" dans le monde, y compris au sein de l’Union européenne.
Dans les instances internationales, les États membres doivent continuer à s’opposer fermement aux tentatives de criminaliser les expressions critiques des religions.
Défendre la liberté et le pluralisme des médias
Le Centre d’Action Laïque invite les instances européennes et les États membres à renforcer leur action en matière de protection de la liberté des médias et de stimulation du pluralisme médiatique. Plus concrètement, il s’agit de:
- Renforcer les mécanismes et organisations de veille actuels et mettre en place un monitoring systématique et indépendant de la liberté de la presse et du pluralisme médiatique dans chaque État membre de l’Union.
- S’assurer que chaque État membre garantisse un espace médiatique équitable et que les mesures nécessaires soient prises afin de lutter contre la concentration des médias et les situations de monopole ou de quasi-monopole.
- Mettre en œuvre une politique européenne de transparence des médias de manière à permettre au citoyen de se renseigner facilement sur la propriété et les sources de financement de médias qu’il consomme.
- Se pencher urgemment sur la question de la sécurité des journalistes afin de garantir à ces derniers la possibilité d’exercer leur métier dans des conditions dignes qui permettent un travail de qualité sans crainte de subir des menaces, harcèlement et pressions financières, économiques et politiques.
- Renforcer la coopération européenne en matière d’éducation aux médias afin de permettre aux citoyens de pouvoir bénéficier des avantages des nouvelles formes de consommation des médias tout en minimisant les risques qui y sont associés.
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DUDH article 18, ICCPR article 18, CEDH article 9, Charte des droits fondamentaux article 10.
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Déclaration universelle des droits de l’homme, Commentaire général numéro 22.