Pour l'État fédéral
Pour garantir et protéger le droit fondamental à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) dans le monde, il est essentiel de mobiliser et de prendre des mesures concrètes face aux multiples menaces qui pèsent sur les droits des femmes. Les débats politiques pré-électoraux de mai 2019 et les marchandages autour du droit à l'avortement ne devraient plus influencer les élections de 2024. Dans le cadre de l'accord gouvernemental, les partis de la majorité se sont engagés à rechercher un consensus en sollicitant l'expertise des universités pour éclairer les représentants politiques. Cette caution scientifique est mise en œuvre dans le rapport du comité d’experts contenant 25 recommandations visant à améliorer l'accès à l'avortement. À cela s’ajoute l’objectivation de la situation par la commission nationale d’évaluation relative à l’interruption de grossesse.
Le Centre d’Action Laïque recommande de:
- Mettre en œuvre a minima les recommandations du comité d’experts chargé d’étudier et d’évaluer la pratique et la législation de l’IVG.
- Inscrire la loi du 15 octobre 2018 relative à l’interruption volontaire de grossesse dans une loi de droit médical (rattachement de l’IVG à l’article 2 de la loi du 10 mai 2015 relative aux soins de santé et à la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient).
- Supprimer toute sanction pénale à l’égard de la femme et les peines de prison pour le médecin.
- Allonger à 18 semaines le délai légal au cours duquel une IVG peut être pratiquée.
- Prendre en charge les IVG du deuxième trimestre dans des structures spécialisées disposant d’équipes multidisciplinaires et de matériel adapté.
- Supprimer le délai d’attente de 6 jours.
- Garantir un accompagnement psychosocial de qualité, financé par l’État et prévu par la loi dans n’importe quel type de structure (hospitalière et extrahospitalière).
- Supprimer l’obligation d’information des possibilités d’adoption de l’enfant à naître.
- Obliger de référer immédiatement la patiente à un médecin ou à une structure qui pratique des IVG en cas de refus de pratiquer une IVG par un médecin en raison d’une clause de conscience.
- Interdire la clause de conscience institutionnelle.
- Mettre en place, par des canaux publics, une information complète, exacte et neutre relative au droit et à l’accès à l’IVG via, entre autres, un référencement adéquat sur les sites Internet officiels et la mise à disposition des coordonnées de toutes les structures agréées aux pratiques des IVG.
- Développer les missions et les moyens de la Commission nationale d’évaluation de la loi relative à l’interruption de grossesse afin de la doter d’une mission de recherche et d’analyse scientifique concernant le recours et la pratique de l’IVG en Belgique. Cet organisme devrait pouvoir faire appel à, ou rassembler en son sein, notamment des experts en sociologie, en épidémiologie et en santé sexuelle et reproductive, des médecins, des juristes et des praticiens.
- Considérer l’IVG comme un soin urgent afin de raccourcir de délai d’obtention de l’AMU.
- Généraliser la formation de base des étudiants en médecine à la pratique des IVG en Flandre, en Wallonie et à Bruxelles.
- Généraliser l’EVRAS dans les écoles, de la maternelle à l’école secondaire, et mettre en place d’un agrément pour tous les opérateurs EVRAS.
- Autoriser la délivrance sans ordonnance de la pilule d’urgence par le personnel paramédical et les sages-femmes.
Pour l'Union européenne
Depuis le milieu des années 1990, les droits sexuels et reproductifs sont reconnus par la communauté internationale comme des droits humains fondamentaux qui protègent certains aspects les plus importants et les plus intimes de nos vies.
En vertu du droit international, les États membres de l’Union européenne sont tenus d’assurer à toutes les femmes des soins et des services de santé sexuelle et reproductive, accessibles, abordables et de bonne qualité. Il en va de leurs droits à la vie, à la santé, au respect de la vie privée, à l'égalité, à la non-discrimination et à celui de ne pas être soumises à la torture et à des mauvais traitements.
La situation en Europe est toutefois loin d’être satisfaisante. Si de nombreux progrès ont été réalisés au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, les femmes restent confrontées à des dénis et violations généralisés de leurs droits dans ce domaine. Les lois et pratiques, sous-tendues par des inégalités et des stéréotypes de genre, continuent de porter atteinte à leur autonomie, à leur dignité et à leur intimité.
Pire, on constate une série de stagnations et de reculs, que ce soit en termes d’accès à la contraception moderne, à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) ou d’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS). Certains droits que l’on pensait acquis vacillent, alors que d’autres restent entièrement à conquérir. Les mouvements conservateurs se multiplient en Europe et partagent un agenda rétrograde commun: emprisonner le corps des femmes et étouffer leur émancipation, limiter les droits des personnes LGBTQIA+ et renforcer les stéréotypes patriarcaux.
Le Centre d’Action Laïque invite les futurs responsables européens à:
- Reconnaître les droits sexuels et reproductifs comme partie intégrante des droits fondamentaux.
- Agir résolument en faveur de la légalisation du droit à l’interruption volontaire de grossesse formulée à la demande des femmes.
- S’informer des obstacles persistants à l’accès à l’IVG dans les pays européens et à tout faire pour garantir ce droit en loi et en pratique.
- Veiller à ce que le refus des professionnels de santé de donner certains soins ne compromette pas l’accès des femmes en temps utile à des soins de santé sexuelle et reproductive, et en particulier à la contraception et à l’IVG.
- S’assurer que chaque État membre propose un accès à la contraception moderne abordable et disponible en pratique.
- A minima, garantir que les pilules contraceptives et abortives (du lendemain et plus tardives) bénéficient effectivement de la libre circulation dans l’ensemble des États membres.
- En cas de situation de crise (ex: confinement causé par une pandémie), faire des soins reproductifs dans le pays et à l’étranger une exception à l’interdiction de se déplacer.
- Respecter et protéger les droits des femmes lors de l’accouchement et garantir un accès de toutes les femmes à des soins de santé maternelle de qualité.
- Combattre les violences obstétriques sous toutes leurs formes.
- Garantir à toutes les femmes l’accès à des recours effectifs contre les atteintes à leurs droits sexuels et reproductifs.
- S’engager en faveur d’une éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle de qualité (EVRAS) dispensée à l’école publique par des professionnels formés. Cela implique d’encourager et de surveiller la mise en place de cette éducation par tous les États membres selon les standards internationaux conseillés. Cela implique également de soutenir les organisations de la société civile qui travaillent à la mise en place d’une telle éducation et s’attellent à promouvoir l’accès à la santé sexuelle et la réduction des MST/IST et le respect du consentement mutuel.