Les propositions du Centre d'Action Laïque
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L’émancipation dans une perspective laïque ne peut se réaliser sans émancipation sociale. Trop d’êtres humains vivent dans des conditions indignes alors que le droit à un niveau de vie suffisant est un préalable indispensable à l’exercice des droits fondamentaux. A cet égard, la lutte contre la pauvreté exige non seulement une approche multidimensionnelle, mais aussi le renforcement de la solidarité indispensable à la cohésion sociale.
Pour l'État fédéral
Une part importante de la population s’appauvrit; les écarts se creusent financièrement, mais également en matière d’accès à la connaissance, de perspectives d’emplois corrects, d’accès aux nouvelles technologies, d’accès au logement, de mobilité, etc. Le Centre d'Action Laïque souligne que le travail demeure un facteur majeur d’émancipation.
Si les CPAS et le tissu associatif remplissent une mission essentielle, ils ne sont pas les seuls à devoir agir. L’ensemble des pouvoirs publics doit initier ou assurer des politiques et des décisions qui permettent d’éviter l’appauvrissement et de soutenir les populations les plus vulnérables, avec l’équité nécessaire indispensable pour réduire les inégalités et éliminer progressivement la pauvreté.
C’est dans ce cadre que le Centre d'Action Laïque a défini, lors de sa dernière Convention, la lutte contre la pauvreté et la cohésion sociale comme un des trois axes prioritaires de son action.
Suite au vote de l’ensemble du mouvement lors de sa dernière Convention, le Centre d'Action Laïque recommande prioritairement de:
- Supprimer le statut de cohabitant.
- Soutenir de manière pérenne le cadastre des logements vides et des terrains publics et octroyer des moyens financiers supplémentaires pour la création et le maintien de logements et terrains publics.
- Lutter contre la privatisation des services publics.
Le Centre d'Action Laïque recommande également de:
- Garantir le financement de la sécurité sociale, s’assurer que ce mécanisme essentiel puisse continuer à jouer pleinement son rôle de solidarité et y introduire le principe d’individualisation des droits sociaux qui permet d’octroyer un revenu de remplacement adéquat indépendamment des modes de vie des bénéficiaires.
- Maintenir les soins de santé abordables grâce à une couverture maximale par l’assurance maladie obligatoire.
- Garantir une offre suffisante de soins de santé primaires accessibles et de qualité.
- Renforcer l’accès aux services de santé mentale.
- Étudier la possibilité d’un rapport d’impact sur la pauvreté lors de l’élaboration d’une mesure politique (conséquences potentielles pour les personnes en situation de pauvreté et de précarité).
- Augmenter la part de l’intervention fédérale dans le revenu d’intégration aux CPAS.
- Promouvoir des emplois durables, de qualité et stables et par conséquent limiter la création de flexi-jobs
- Assurer l’information, la sensibilisation et la simplification administrative afin d’endiguer le non-recours aux droits sociaux.
- Garantir l’automatisation des droits sociaux.
Pour la Fédération Wallonie-Bruxelles
Aide à la jeunesse
L'aide à la jeunesse reste une priorité pour le Centre d’Action Laïque. Il est crucial de valoriser le travail effectué par les professionnels auprès des jeunes. L'approche préventive est essentielle pour soutenir leur bien-être et leur développement. Les perturbations considérables engendrées par les crises successives ont eu un impact significatif sur la vie des enfants et des adolescents, touchant leur éducation, leur santé mentale et leur bien-être global. Il faut prendre en compte les défis actuels et mettre en place des mesures adaptées pour atténuer les effets négatifs et favoriser la résilience des jeunes.
Le Centre d'Action Laïque recommande de:
- Refinancer les services agréés et rééquilibrer les moyens alloués à ceux-ci en accord avec le décret du 18 janvier 2018.
- Renforcer la mise en œuvre des modes d’interventions préventives et de maintien dans le milieu de vie et autant que possible la réintégration familiale lorsque l’enfant a dû être éloigné de son milieu familial.
- Favoriser l’élaboration de programmes d’intervention et de prévention éducative et sociale.
- Continuer à favoriser l’accompagnement en famille et le système de parrainage.
- Favoriser la collaboration entre les différents services et entre ceux-ci et l’administration.
- Simplifier les procédures administratives.
- Favoriser un travail socio-éducatif par du personnel spécifiquement formé.
- Évaluer les services du livre I du Code de manière qualitative.
- Encourager le développement de politiques coordonnées et concertées entre les secteurs, notamment avec les secteurs du logement, de l’enseignement et de l’insertion socioprofessionnelle.
- Garantir le secret professionnel et supprimer l’article 458 ter du Code pénal.
- Associer les secteurs de la Prévention, de l’Aide à la jeunesse et de la Protection de la jeunesse aux travaux liées à l’élaboration du Pacte pour un enseignement d’excellence.
- Renforcer les moyens dédiés à l’insertion socio-professionnelle des jeunes adultes.
- Favoriser l’accès des jeunes au logement et le respect de leurs droits en la matière.
- Travailler sur le rapport entre les jeunes et la police par le biais notamment d’espace de dialogue, d’information et de sensibilisation à destination des jeunes, de la mise en place du projet de guichet de dépôt de plaintes adapté aux enfants et aux jeunes.
En ce qui concerne plus particulièrement les institutions publiques de protection de la jeunesse (IPPJ), le Centre d'Action Laïque porte les revendications suivantes:
- Mettre en place un mécanisme national de prévention de la torture (MNP) indépendant d’un organe de médiation ou gestion du droit de plainte, la Belgique ayant signé le protocole facultatif de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en 2005 et s’est alors engagée à le ratifier.
- Créer des organes de contrôle comme les commissions de surveillance en prison et un organe indépendant pour recueillir les plaintes des jeunes.
- Renforcer le suivi et la prise en charge des jeunes placés ayant commis des infractions à caractère sexuel.
- Renforcer l’accompagnement des jeunes ayant subi des agressions sexuelles.
- Améliorer et renforcer les formations à destination du personnel des IPPJ.
- Former le personnel des IPPJ aux questions de genre, d’orientation sexuelle et des violences qui en découlent.
- Renforcer l’intégration de l’EVRAS dans la prise en charge globale des jeunes.
- Adopter des mesures et soutenir les services qui encadrent la sortie des jeunes et leur réintégration dans la société.
- Mener une réflexion sur l’encadrement des jeunes avec des besoins spécifiques: jeunes en situation de handicap, MENA, jeunes présentant des troubles psychiatriques et/ou physiques.
- Financer des études sur les IPPJ.
- Privilégier une évaluation positive du jeune afin de permettre la mise en place d’un processus de responsabilisation et de réflexion.
- Établir un statut administratif pour les conseillers laïques en IPPJ et adopter une revalorisation barémique afin qu’ils correspondent à leur fonction.
- Supprimer la possibilité de dessaisissement du juge de la jeunesse.
- Sortir l’enseignement en IPPJ de la catégorie "enseignement à distance" (EAD) pour créer une réelle scolarité au sein des IPPJ qui permette la meilleure réintégration scolaire des jeunes à leur sortie.
- Faciliter les collaborations avec les écoles situées dans un environnement proche des IPPJ ou, le cas échéant, d’accès pour le jeune avant son entrée et/ou à sa sortie d’IPPJ.
- Apporter aux jeunes, lors de leur sortie, une aide concrète dans leurs démarches pour retrouver un établissement scolaire le plus rapidement possible.
- Adopter des mesures pour lutter contre la violence au sein des IPPJ de membres du personnel vers les jeunes et vice versa et des jeunes entre eux.
- Diminuer le délai d’engagement du personnel.
Pour les Régions
Cohésion sociale
Pour le Centre d’Action Laïque, il est indéniable que la dignité humaine passe par une lutte résolue contre la pauvreté et l’exclusion sociale.
Sur la base de SILC 2022 (revenus de 2021), 17,8% de la population wallonne vivait dans un ménage dont le revenu net équivalent était inférieur au seuil de pauvreté. Ainsi, en Wallonie, le taux de risque de pauvreté se situait entre 16 et 20%, et autour de 30% pour Bruxelles. Pour véritablement porter ses fruits, l’émancipation laïque doit se coupler à un authentique projet d’émancipation sociale. Le droit à un niveau de vie suffisant constitue donc un préalable indispensable à l’exercice d’autres droits fondamentaux.
Le Centre d'Action Laïque demande de:
- Assurer un service public de qualité et ambitieux, impartial et garant de l’égalité entre les citoyens, sans distinction liée à leur situation administrative.
- Renforcer l’information au sujet des droits sociaux afin d’endiguer le non-recours aux droits sociaux et mettre en place des guichets uniques décentralisés regroupant les différents services publics chargés de l’octroi des droits sociaux au niveau régional (à coupler idéalement avec le niveau communal).
- Lutter contre l’exclusion numérique en considérant l’accès à internet comme un bien social de première nécessité.
- Encourager la mixité dans toutes ses dimensions (de genre, sociale, culturelle et économique) au sein du territoire régional, notamment en créant du logement mixte et des infrastructures (de loisirs, sportives, écoles, maisons de jeunes…) accessibles à tous, et un accompagnement social public permettant l’effectivité de cette mixité.
- Veiller à octroyer des budgets en suffisance dans les domaines de la santé et du bien-être aux services agréés et subventionnés par les Régions wallonnes et bruxelloises (AVIQ et Iricare), aussi bien en fonctionnement qu’en ressources humaines.
- Consentir à un investissement massif, ciblé, programmé et évalué dans les dispositifs associatifs qui tissent le lien social dans la vie des quartiers, de soutenir les initiatives locales de cohésion sociale et d’assurer des budgets suffisants et pérennes pour ces politiques.
- Généraliser, sur le modèle du gender mainstreaming, le "test pauvreté" qui doit viser à analyser en amont l’impact que pourrait produire une mesure réglementaire sur les personnes en situation de pauvreté.
- Défendre les intérêts des CPAS auprès du niveau fédéral, augmenter la dotation régionale au Fonds spécial de l’aide sociale.
- Maintenir l’autonomie fonctionnelle des CPAS dans le respect du huis clos et du secret professionnel de ses travailleurs.
- Encourager les fusions de services concurrents entre communes et CPAS (repas à domicile notamment).
- Assurer la revalorisation de la fonction de travailleur social via une revalorisation des barèmes des travailleurs des CPAS.
- Soutenir les revendications des CPAS d’augmenter le taux de remboursement du RIS et des aides sociales.
- Définir, dans les Régions, des normes supplémentaires en matière d’accès et de qualité des soins dans les hôpitaux.
- Accorder une attention accrue aux personnes âgées en améliorant la qualité, l’accessibilité et l’offre en matière de soins et aides à domicile, en soutenant le maintien à domicile par l’octroi de prêts à des taux préférentiels pour adapter les logements des personnes âgées précarisées et les rendre plus ergonomiques.
- Soutenir l’adaptation des maisons de repos et des maisons de repos et de soins pour offrir en suffisance un accueil de qualité en respectant les droits de la personne en perte d’autonomie et en tenant compte de leurs spécificités socio-culturelle.
- Veiller à ce que les conditions d’accueil en maison de repos et en maison de repos et de soins des personnes LGBTQIA+ soient exemptes de toute forme de préjugés.
- Soutenir financièrement des politiques du sport et culturelles inclusives et accessibles.
- Imposer, via la délivrance des permis d’environnement, que toutes les grandes et moyennes surfaces proposent les invendus alimentaires consommables à au moins un organisme.
Emploi et formation
L’accès au travail reste un moyen d’émancipation et d’insertion essentiel. La création de nouveaux emplois de qualité ainsi que la préservation des emplois existants doivent donc être une priorité.
Le Centre d'Action Laïque demande de:
- Ne pas pratiquer une politique répressive contre les chômeurs et maintenir leurs droits sans dégressivité de l’allocation ni imposition de service communautaire.
- Revaloriser les secteurs professionnels en pénurie.
- Évaluer, renforcer et ajuster les mécanismes visant à promouvoir l’insertion socioprofessionnelle des jeunes, des personnes à faible ou sans qualification ainsi que des personnes dont le profil de formation n’est pas en phase avec les besoins du marché de l’emploi. En Région Bruxelles Capitale, ces dispositifs devraient davantage tenir compte de l’importance du phénomène migratoire au sein de la population concernée. Des synergies renforcées sont à développer entre les politiques de cohésion sociale (accueil des primo-arrivants) et d’insertion socioprofessionnelle (formation, accompagnement).
- Assouplir les critères d’éligibilité des personnes pour toutes les actions favorisant l’accès à l’emploi et à la formation.
- Augmenter de manière significative les offres de formations incluant l’ensemble du processus d’insertion socioprofessionnelle: alphabétisation, français comme langue étrangère, formation de base, préformation et formation qualifiante.
- Faciliter et accélérer l’obtention de permis de travail (B et C) pour les personnes étrangères en cours de procédure de régularisation de leur titre de séjour.
- Soutenir des solutions innovantes favorisant le lien entre les employeurs et les formateurs.
- Favoriser l’accès aux formations et à l’emploi pour les familles monoparentales et les femmes, en augmentant les possibilités de garde d’enfants et en en adaptant le coût aux revenus.
- Multiplier les espaces de coordination entre les partenaires associatifs du secteur de l’emploi et Actiris et le Forem.
- Lutter contre la discrimination à l’embauche en partenariat avec Unia, via des tests de situation (mystery shopping).
- Favoriser les formations, à charge de l’employeur, afin de permettre au travailleur de développer ses compétences.
- Utiliser les mécanismes de remises à l’emploi pour assurer effectivement la remise à l’emploi, éviter tout dumping social, soutenir des conditions de travail de qualité, durables, et offrir de réelles possibilités d’orientation professionnelle et de reconversion, correspondant aux compétences et profil de la personne.
- Élaborer des "plans diversité", tant à l’attention des entreprises régionales que des services publics, qui intègrent des objectifs quantitatifs visant à l’embauche de personnes issues des quartiers socio-économiquement défavorisés. Les employeurs du secteur privé pourront recevoir prioritairement des aides économiques et autres leviers économiques bruxellois s’ils atteignent les seuils requis, tandis que la mesure sera contraignante pour les services publics.
- Encourager décisivement la réduction du temps de travail avec embauche compensatoire. Il s’agit à la fois de répartir sur l’ensemble de la population les gains de productivité générés par les nouvelles technologies, de créer plus d’emplois pour résorber le chômage, de réduire le stress au travail, de démocratiser l’accès au temps libre et d’inciter à la citoyenneté active.
Logement
L’accès à un logement décent est l’une des conditions essentielles du bien-être et de l’intégration sociale. Or, le logement reste inaccessible pour de nombreuses personnes et familles. Lors de sa dernière Convention, le Centre d'Action Laïque s’est prononcé en faveur d’une politique de logement qui participe activement à la lutte contre la pauvreté.
Suite au vote de l’ensemble du mouvement lors de sa dernière Convention, le Centre d'Action Laïque recommande prioritairement:
- Un soutien permanent au cadastre des logements vides et des terrains publics, et l’octroi de moyens financiers supplémentaires pour la création et le maintien de logements et terrains publics.
Le Centre d'Action Laïque recommande également:
- Prendre toutes les mesures utiles pour garantir à chacun un logement de qualité, sain et décent, conformément à l’article 23 de la Constitution.
- Ne procéder à aucune expulsion durant l’hiver.
- Augmenter le nombre de logements sociaux et réaffecter les logements abandonnés ou inoccupés; en parallèle, taxer leurs propriétaires en conséquence.
- Sanctionner les communes qui n’atteignent pas le seuil requis de logements sociaux sur leur territoire, en fonction des moyens et capacités d’action de chaque commune. Le produit de la sanction doit alimenter un fonds au profit de la création de ce type de logements.
- Revoir les critères d’attribution afin de tenir compte des diverses et nouvelles réalités sociales et familiales.
- Adopter une grille de référence des prix des loyers et développer une politique d’encadrement de ceux-ci (avec fixation de maxima et de critères pour l’augmentation).
- Mettre en place une commission paritaire locative comme il en existe en France et aux Pays-Bas (un projet-pilote avait été initié à Bruxelles en 2006 mais a été interrompu dès 2007). Une telle commission – composée de représentants des organisations de locataires et de propriétaires et présidée par un juge de paix – pourrait améliorer les relations entre les bailleurs et les locataires mais également avoir un impact à moyen et long terme sur la qualité des logements et les loyers pratiqués.
- Encourager la création d’agences immobilières sociales et augmenter les moyens qui leur sont accordés.
- Soutenir les communes afin qu’elles augmentent le parc de leur Régie foncière et mettent à disposition des logements de qualité à prix réduits.
- Mettre tout en œuvre pour favoriser l’accès à la propriété pour les ménages à faibles ou moyens revenus, notamment en permettant l’acquisition d’un logement social par celui qui l’habite et en organisant un accompagnement pour guider ces personnes et encourager ainsi une mixité locataire/propriétaire dans les quartiers.
- Avoir une attention particulière pour les jeunes désireux d’accéder à un premier logement.
- Réguler le marché des kots estudiantins.
- Investir davantage dans la rénovation des quartiers défavorisés de manière à lutter contre la formation de ghettos, notamment au moyen de Contrats de quartier.
- Lier la rénovation des logements à une réduction des coûts liés à l’énergie.
- Lutter et sanctionner les discriminations subies par certaines catégories de personnes au niveau de l’accès à un logement, notamment par des expériences de mystery shopping (faux candidats).
- Utiliser davantage les solutions existantes: occupation de logements vides, soutien à la colocation, rénovation de l’équipement existant.
- Assurer le relogement de la personne expulsée d’un logement faisant l’objet d’un arrêté d'inhabitabilité et interdire les expulsions sans solution de relogement.
- Assurer en suffisance le nombre de logements de transit pour les situations d’urgence.
- Développer une collaboration autour de la problématique des marchands de sommeil entre les différents services compétents (services communaux, police, parquet, services d’inspection du logement).
- Coordonner et favoriser les plateformes d’achats groupés (électricité, gaz, etc.).
- Favoriser une approche sociale du territoire: favoriser la mixité urbaine, la mixité des fonctions, et ne pas favoriser une politique territoriale concurrentielle entre communes.
- Soutenir les citoyens en recherche d’un logement via des aides régionales à la constitution de garantie locative, à la simplification de l’accès aux allocations de relogement régionales.
- Soutenir les citoyens précarisés (usagers de drogues, sans-abris, porteurs de handicap, etc.) dans leur réinsertion par le logement.
- Favoriser la construction de logements publics étudiants de qualité à loyers faibles et contrôlés.
Pour l'Union européenne
Dans les politiques internes de l’Union
Il ne peut y avoir de dignité humaine si une large partie de la population continue à connaître des difficultés d’existence sérieuses.
Le défi de la concrétisation d’une Europe plus sociale est donc plus d’actualité que jamais. C’est également une urgence démocratique dans un contexte où l’une des raisons du succès des populistes est l’écho de leur discours auprès de celles et ceux qui se perçoivent comme les perdants et les victimes de la mondialisation.
Bien entendu, dépeindre l’Union européenne comme une institution qui détruit les protections sociales serait caricatural. Mais une action résolue de l’Union européenne est indispensable afin d’amener les États à développer leurs économies pour qu’elles bénéficient aux populations et non l’inverse.
D’une part, l’Union européenne est le meilleur instrument dont nous disposons pour contribuer à réguler la mondialisation et relever des défis d’ampleur internationale comme les conséquences au plan social de la révolution numérique. D’autre part, l’Union est en mesure de mettre en œuvre un véritable modèle social européen qui équilibrerait mieux qu’aujourd’hui les impératifs de développement économique avec ceux de lutte contre les inégalités, la recherche du bien-être de la population, le relèvement des protections sociales, l’accessibilité des soins de santé et le bien-être au travail.
Dans cette optique, il est important de saluer l’adoption en 2017 par les institutions européennes du Socle européen des droits sociaux et le plan d’action de la Commission en 2021. Le socle, qui prend la forme de recommandations de la Commission européenne, établit une série de principes et des droits clés dans trois domaines (égalité des chances et accès au marché du travail, conditions de travail équitables, protection et insertion sociales). Il a pour objectif de permettre une plus forte convergence dans la zone euro (mais les États qui ne font pas partie de cette zone peuvent toutefois y adhérer). Sa mise en œuvre dépend surtout des autorités locales, régionales et nationales, des partenaires sociaux et de la société civile. Mais l’Union européenne peut soutenir et mettre en œuvre elle-même une série d’actions au moyen des instruments qui ressortent de ses compétences: modification du droit européen, dialogue social européen, recommandations nationales dans le cadre du Semestre européen et soutien financier grâce aux fonds européens.
Concrètement, le Centre d’Action Laïque invite les institutions européennes à mettre en œuvre les orientations politiques suivantes:
- Continuer sur la voie de la rupture d’avec les politiques d’austérité, initiée avec le plan de relance "NextGenerationEU", en permettant notamment d’exonérer une série d’investissements publics des règles comptables européennes et ainsi libérer des flexibilités budgétaires pour des dépenses en matière sociale.
- Tenir compte des impératifs liés à la lutte contre les inégalités dans les priorités du futur Cadre budgétaire pluriannuel européen.
- Continuer la mise en œuvre des vingt principes contenus dans le Socle européen des droits sociaux. Idéalement, des indicateurs de suivi devraient être développés et intégrés dans les mécanismes de gouvernance économique tels que le Semestre européen.
- Établir un salaire minimum dans chaque pays européen équivalant à 60% du salaire médian national et favoriser l’instauration progressive d’un salaire minimum européen.
- Lutter contre les discriminations et renforcer les convergences vers le haut en matière d’accès au travail et de conditions de travail, notamment en ce qui concerne les salaires et les congés parentaux.
- Intensifier le soutien à l’Initiative européenne pour l’emploi des jeunes.
- Accélérer et soutenir les efforts de réduction de la pauvreté dans l’Union européenne.
- Renforcer le dialogue social européen qui est un outil indispensable de négociation collective et d’équilibrage des rapports de force dans les processus de décision en matière socio-économique.
Par ailleurs, pour les laïques, des services publics de qualité et accessibles à tous sont un élément essentiel de lutte contre les inégalités et de renforcement de la cohésion sociale. Les combats historiques du mouvement laïque pour une école publique démocratique en sont l’illustration.
Sur le plan européen, des logiques de libéralisation ont conduit à l’introduction de logiques marchandes dans la fourniture de certains services. Les conséquences de ces libéralisations se sont parfois avérées désastreuses. Il est essentiel de soustraire les services publics à la logique marchande et à la concurrence.
Le Centre d’Action Laïque invite dès lors les futurs responsables européens à:
- Adopter une législation sur les services d’intérêt économique général pour garantir leur juste financement et leur capacité à exercer leurs missions dans le respect des principes d’universalité et d’égalité d’accès.
- Adopter une législation pour garantir l’accès aux biens de première nécessité tels que l’eau ou l’énergie.
Solidarité internationale
Les objectifs de développement durable (1) adoptés par l’Assemblée générale des Nations unies en 2015 illustrent une fois encore à quel point il ne peut y avoir de développement durable si les questions économiques, sociales et environnementales ne sont pas traitées ensemble. Les objectifs ultimes en sont l’éradication de la pauvreté et la préservation de la planète. Ces objectifs forment la feuille de route pour le développement durable à l’horizon 2030. Tous les États membres de l’Union y ont souscrit. L’Union européenne détient une série de compétences qui lui permettent de contribuer à la réalisation de ces objectifs.
Pour le Centre d’Action Laïque, l’Union européenne doit prendre pleinement sa part de responsabilité dans la mise en œuvre de cet agenda international. L’Union européenne doit résolument se montrer solidaire dans cette quête collective et aligner ses politiques de façon cohérente avec les impératifs du développement durable, ce qui semble loin d’être le cas aujourd’hui lorsqu’on mesure les priorités budgétaires européennes ou les politiques commerciales internationales.
Le Centre d’Action Laïque demande dès lors aux institutions européennes de:
- Accroître la mobilisation des ressources au service de la concrétisation des objectifs de développement durable. Si la volonté de voir le secteur privé contribuer au financement devait se confirmer, il est essentiel de s’assurer que les investissements privés soient réellement mis au service du développement et que l’argent public destiné à soutenir des investissements ne serve pas des intérêts qui iraient à l’encontre d’un développement durable.
- Rechercher de nouvelles sources de financement du développement par une intensification de la lutte contre l’évasion et la fraude fiscale ou en application du principe du pollueur-payeur.
- Garantir que les traités commerciaux s’inscrivent dans le respect des droits fondamentaux et des objectifs du développement durable, n’affaiblissent pas la capacité législative des États ou leurs législations protectrices des travailleurs, des consommateurs ou de l’environnement, et préservent les juridictions publiques comme mécanismes de règlement des différends entre États et investisseurs. Ces mécanismes doivent être effectifs, notamment en ouvrant des voies de recours aux citoyens ou organisation de travailleurs et de défense de l’environnement des pays concernés.
- Assurer la cohérence entre la réalisation des objectifs de développement durable et la politique menée par les autres institutions internationales telles que la Banque mondiale ou le Fonds monétaire international.
- Adopter et mettre en œuvre la directive sur le "Devoir de vigilance" et la responsabilité des entreprises, afin que les entreprises veillent eu respect des droits humains et de l’environnement dans leur chaîne de valeur située dans des pays tiers.
- Contribuer à l’élaboration par l’ONU d’un instrument international juridiquement contraignant sur les sociétés transnationales et autres entreprises et les droits humains.
- D’une façon générale, assurer la plus grande démocratie en matière de gouvernance mondiale et veiller à associer étroitement les organisations représentatives de la société civile à la prise de décision.
- "Transformer notre monde: le Programme de développement durable à l’horizon 2030", résolution adoptée le 25 septembre 2015 par l’Assemblée générale des Nations unies.